L'ancien ministre géorgien de la Défense, Irakli Alasania, dénonce ce qu'il considère comme une véritable trahison des intérêts stratégiques de la Géorgie, après l'abandon forcé d'un accord clé sur la défense aérienne.
Dans une interview accordée à Radio Liberté à la suite de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur l'affaire dite "des câbles" qu’il a remporté à Strasbourg il y a quelques jours, Alasania est revenu sur les manœuvres politiques qui ont conduit à la perte d’une opportunité cruciale pour la sécurité nationale.
En 2013, des négociations avancées avaient été menées avec la France pour l’acquisition d’un système de défense aérienne de pointe (l’Aster-30), qui aurait permis de protéger l'espace aérien géorgien et ses infrastructures critiques d'ici 2021. Alasania dit avoir rencontré le ministre français de la Défense de l'époque, Jean-Yves Le Drian .En échange, la Géorgie s’engageait à participer à une mission de paix en Centrafrique.
Mais à la veille de la signature officielle de l'accord, l'ancien Premier ministre Irakli Garibachvili aurait sommé Alasania d’annuler l'entente, suivant, selon ce dernier, les instructions de Bidzina Ivanichvili. Refusant de se plier à cette demande, qu'il percevait comme contraire aux intérêts nationaux, Alasania a signé le mémorandum malgré les pressions.
La riposte ne s’est pas fait attendre : cinq hauts responsables du ministère de la Défense ont été arrêtés sous des accusations fallacieuses, dans ce qui apparaît aujourd'hui comme une tentative claire de saboter l'accord.
Alasania affirme que cette obstruction ne relevait pas uniquement de calculs politiques internes, mais résultait également de pressions directes de la Russie. Il rapporte qu'Ivanichvili aurait même dû présenter des excuses à Vladimir Poutine après la tentative d’acquisition du système de défense aérienne, révélant ainsi l’emprise des intérêts russes sur les décisions stratégiques géorgiennes.
« Refuser à la Géorgie une défense aérienne moderne, c’est exposer le pays à la vulnérabilité et compromettre sa souveraineté », déplore Alasania. Il qualifie cette manœuvre de « crime d'État » et souligne qu’en affaiblissant la sécurité nationale, le gouvernement de l’époque a tourné le dos aux intérêts du peuple géorgien.
La Cour européenne des droits de l’homme a confirmé ces soupçons d’ingérence politique en établissant que les droits à un procès équitable avaient été violés dans le cadre de l’affaire des câbles. Pour Alasania, cette décision révèle l’ampleur des manipulations ayant conduit à l’abandon d’un projet vital pour la défense du pays.
« Lorsque des intérêts étrangers dictent la politique de sécurité d’un État au détriment de sa propre souveraineté, c’est une trahison pure et simple », conclut-il.